17 Février 2022
Juliette, qui êtes vous ?
J'aurai 31 à la fin du mois et je suis enseignante d'espagnol.
Je suis TZR (Titulaire sur Zone de Remplacement) de l'Education Nationale, je fais donc cours à des collégiens ou à des lycéens, selon les remplacements qui me sont attribués. J'ai obtenu le CAPES en 2016, du premier coup! Et l'agrégation interne en 2020.
A mes 18 ans, j'ai obtenu un BAC ES sans mention puis je suis partie en Espagne: 1 an pour suivre un cursus universitaire d'espagnol pour les étrangers. J'ai fait un "grade" en Langue et Littérature Espagnole et Hispanoaméricaine (cela m'a pris 4 ans et demi en Espagne) toujours dans la même ville de Oviedo, Asturies. Pour financer mes études, j'ai travaillé dans une école privée de langues à Oviedo où je donnais des cours de français. Puis pendant mes vacances en France , je faisais de l'aide à la personne via une ADMR (j'aidais des personnes âgées dans leur quotidien).
A mon retour en France, j'ai fait un MASTER Recherche (Espagnol) et j'ai obtenu mon CAPES à la fin de cette année de M1. J'ai du passer au MASTER MEEF (master enseignant) pour valider mon M2. J'ai obtenu ce master avec mention très bien :-) En parallèle j'étais surveillante dans un collège (externat et internat).
Je suis rentrée en France après 5 ans et demi d'indépendance en Espagne car j'ai rencontré pendant l'été, en France, l'homme avec qui je partage actuellement ma vie. Nous attendons notre premier bébé qui devrait pointer le bout de son nez dans un mois. ❤
Quand avez-vous appris que vous étiez Dyslexique ?
Ma dyslexie a été diagnostiquée en Primaire, je dirais que c'était en CE2... Ce diagnostique est venu du travail attentif de mon institutrice de l'époque.
Mes parents ont été rapidement informés, il s'agissait d'un dyslexie plutôt légère mais bien réelle. J'écrivais de la main droite comme une gauchère, je confondais des lettres (o et a, p et b, par exemple). J'avais d'énorme difficultés avec l'orthographe, une certaine lenteur à la lecture.
J'ai bénéficié d'un dispositif mis en place par mon école: je passais plusieurs heures par semaine avec un professeur des écoles qui était spécialiste de ces troubles. Nous étions seuls ou en petits groupes (nous étions environs 4 ou 5 concernés je dirais...). Il nous aidait à travailler nos difficultés à travers la lecture et et la poésie.
Je dois dire que malgré les explications que l'ont m'avait données à l'époque concernant la dyslexie, je ne comprenais pas bien où était le problème! 😆 Ce n'était pas très clair pour moi...
Comment c’est passé votre parcours scolaire ?
Mon parcours scolaire s'est globalement bien passé. Si je devais donner une clé aux dyslexiques comme moi, ce serait la lecture...Je sais que cela peut sembler fou mais dans un cas comme le mien (une dyslexie légère) elle est FONDAMENTALE. Lisez, lisez des livres qui vous plaisent et qui vous sont adaptés, mais LISEZ! La lecture est une vraie force pour compenser le trouble. On construit une mémoire des mots (chose très difficile pour nous) et c'est une aide pour améliorer son orthographe.
Je tiens vraiment à insister sur le fait que selon les cas, selon les personnes, il n'est pas toujours chose aisée de compenser son trouble: mais c'est possible! Force de courage et force de travail...
Il m'a fallu accepter une chose: le fait d'avoir des difficultés ne devait pas m'exempter de travailler, ou me donner la possibilité de travailler moins que les autres...Pour aussi frustrant que cela était je devais travailler PLUS que le autres...Pour un résultats moins bon ou égal, oui... Mais petit à petit, on compense, pas à pas on développe pleins de compétences! 🙌 Et on a en soi une envie de réussir que bien d'autres n'ont pas: parce que toutes nos réussites sont le fruits de gros efforts.
Par exemple: j'étais vraiment très mauvaise en dictée (j'ai une pensée pour mes parents qui m'aidaient à les préparer et qui s'arrachaient les cheveux 😂). Il était très difficile pour moi de me débrouiller avec l'orthographe des mots, les accords, la grammaire...En CM2 nous faisions des "préparations à la dictée" tous les vendredis. Là où mes camarades n'avaient besoin que d'une petite demi-heure pour revoir la fiche et réussir parfaitement l'exercice et bien moi il me fallait peut-être deux sessions de 2h. Et c'était frustrant, très frustrant. Alors forcément, réussir un concours d'excellence comme l'agrégation où le niveau de langue française doit être impeccable, c'est une victoire pour cette petite fille qui détestait les dictées. 💜
Quelle est votre situation actuelle ?
J'ai déjà développé ma situation actuelle mais j'aimerais donner une petite anecdote.
J'ai eu, il y a quelques années maintenant, un rendez-vous en tant que professeure principale avec une élève de 5ème qui était atteinte de dyscalculie. Sa maman était là et également l'enseignante qui la gérait dans le cadre du dispositif Ulysse. Et figurez-vous que suite à ce rendez-vous je me suis interrogée sur le fait que j'étais peut-être, moi aussi, atteinte de dyscalculie. Comme cette élève j'ai rencontré énormément de difficultés avec les mathématiques: je n'ai JAMAIS réussi à apprendre mes tables de multiplications, j'ai eu beaucoup de mal à apprendre à lire l'heure, je n'avais aucune logique, aucune capacité à projeter les éléments d'un problème seulement dans ma tête...Il me fallait rendre ces choses-là palpables!
La dyscalculie est moins "reconnue" que la dyslexie, on commence à en parler et c'est une très bonne nouvelle! Je me dis avec le recul que ce diagnostique m'aurait peut-être aidée à poser des mots sur mes difficultés.
Vous sentez-vous atypique ?
Je ne me sens pas vraiment atypique mais je me sens fière. Fière de mon parcours.
Et à travers mon travail j'ai à cœur d'épauler les élèves atteints de troubles DYS. Je comprends le mot handicap, mais j'ai envie en même temps de lutter contre ce mot. Je veux que les enfants atteints de ces troubles sachent qu'ils font de nous des personnes différentes, mais peu importe! On peut faire une richesse de cette différence. Cela demande beaucoup de courage et de détermination, c'est vrai, alors il ne faut pas baisser les bras. Surtout ne laissez pas cette différence vous définir: c'est à nous de définir qui nous sommes, ce dont nous sommes capables et, des capacités nous en avons! Je dirais même que nous en développons bien plus que les autres parfois! 😉
Encore une fois: un trouble peut se compenser, il ne faut pas le laisser nous suivre toute notre scolarité. On sera toujours DYS, oui, on ne cesse jamais de l'être mais on peut développer des stratégies pour réussir.
Quels obstacles rencontrez-vous au quotidien ?
A l'heure actuelle, je ne rencontre plus vraiment d'obstacles dus à mon trouble. Je dois être attentive lorsque je rédige un écrit quel qu'il soit car la dyslexie est toujours présente et peut me faire confondre encore certains sons et certains mots. Je dois souvent me relire plusieurs fois...Mais j'ai l'habitude! Ce n'est plus un problème pour moi.
Quels conseils voudriez-vous donner aux jeunes adultes Dys qui souhaitent suivre un parcours universitaire ?
Au-delà de tout ce que j'ai déjà mentionné je leur conseille de choisir une voie qui les passionne! C'est très important pour la motivation.
Ils doivent se lancer et croire en eux. S'ils sont arrivés jusqu'à l'université c'est qu'ils y ont leur place. Ils ont beaucoup cohabité avec leur troubles et ils ont des armes pour réussir leur parcours.
Ils ne doivent pas hésiter à s'entourer de camarades bienveillants qui pourront les aider à travailler, à mémoriser, à relire, reformuler...