Portrait De Emma - Etudiante-Entrepreneuse

Emma, qui êtes-vous ? 

Je m’appelle Emma, je vais sur mes 20 ans et je suis en 1ère année en BUT Techniques de Commercialisation. A l’âge de 3 ans, j’ai été diagnostiquée dyslexique. J’ai grandi en apprenant que la réelle richesse dans la vie était la découverte et l'épanouissement, qui permettaient de passer outre le handicap. C’est pour cela que je m'investis dans de nombreuses 'activités telles que la danse, le théâtre, le sport. Je suis aussi Cheftaine Scouts et je fais partie d’une association de Maraudes ayant pour objectif de donner à manger aux sans-abri, seulement avec les invendus de magasins. Toutes ces activités me permettent de rencontrer des gens de tous horizons, ethnie, pays … Et c’est en ça que je me sens très chanceuse à mon âge. 

Après avoir obtenu mon baccalauréat, à 18 ans, j’ai décidé de partir 6 mois dans une école Américaine pour vivre mon “american dream” mais aussi pour visiter d’autres pays tels que : Le Mexique, Le Belize, Les Bahamas… Cette aventure m’a énormément fait grandir, et cet échange culturel a été très formateur et m’a poussé, en janvier 2023 à lancer mon entreprise, en parallèle de mes études.

Quand avez-vous appris que vous étiez Dyslexique ?

C’est à l’école maternelle que j’ai appris que j'étais dyslexique. Pour être honnête, à ce moment-là, je ne me rendais pas compte du tout,  que d'être Dys allait changer dans ma vie. Bien au contraire, je me sentais spéciale. Mais c’est en primaire que j’ai compris toute la difficulté que représentait ce trouble Dys, lorsque j’ai dû passer des tests psychomoteurs pour démontrer ma capacité à pouvoir suivre un enseignement classique en primaire. 

Comment s'est passé votre parcours scolaire ? 

Mon parcours scolaire a été semé d'embûches. Ma mère et moi, nous sommes toujours battues pour que je poursuive un enseignement classique même si peu de mes professeurs en primaire croyaient en mes capacités. Je me souviens d’un soir où je pleurais dans les bras de ma mère, car j'étais en CM2 et j’avais toujours du mal à lire. A cet âge-là les enfants sont crus et les professeurs, presque tout autant avec les parents. On me disait que je n'étais pas normale !!!. Et c’est à ce moment-là que ma mère me dit une phrase qui m'a bouleversé et marqué à jamais ma vie :

« Mais qu’est-ce que la normalité Emma ? Celle-ci diffère en fonction des cultures, des religions, des ethnies … Mais ce n'est en aucun cas une règle universelle qui devrait s’appliquer à tous, elle n’existe pas…. »

Donc oui, j’ai eu un parcours scolaire mené d’embûches, avec toujours les mêmes critiques dans mes bulletins “Doit améliorer son écrit”, toujours les mêmes remarques “Ça à bon dos la dyslexie”, encore les mêmes paroles “pourquoi tu trembles quand tu lis en classe”. Durant toute ma primaire, j’ai eu une fiche de suivi pour démontrer mes capacités à pouvoir aller au collège. Ma mère avait tellement pris de rendez-vous avec mes professeurs, pour les convaincre de mes capacités, que cela en faisait fuir certains. Mais ma dyslexie me permet aussi d' avoir confiance en moi et de savoir qu’il ne faut jamais écouter les  critiques. Je ne dis pas que cela ne m’a jamais fait mal, loin de là, mais ça m'a poussé à toujours me dépasser et à réaliser des choses que je n’aurais jamais pu faire sans être dys. Cela se démontre déjà par une grande créativité qui, malgré les années, ne s'arrête jamais de grandir. Pour schématiser, grâce à la dyslexie,  le créatif prend le dessus sur le scolaire et cela permet aussi d’avoir une autre vision de la vie. Une vision que toi seul peux avoir et que personne ne pourra t’enlever. 

La dyslexie m'a permis d'acquérir une excellente éloquence. Puisque, même si je ne comprenais pas toujours mes cours, j'étais la première à lever la main, la première à poser les questions. Chaque année, je devais faire en sorte de bien m’entendre avec mes professeurs pour éviter le redoublement. Mais surtout, cela m’a permis de me créer de réelles amitiés avec des camarades, qui, encore aujourd’hui, me comprennent et me soutiennent. Lors de notre enfance, les amitiés se créent à l'école, et si certains élèves se moquent des dys, d’autres nous soutiennent et cela permet de nous nouer de vraies amitiés, durables et profondes.  

Je suis fière de dire que j’ai gagné mon combat, car j’ai obtenu mon baccalauréat général avec mention Bien et qu’aujourd’hui, je suis dans des 10 premiers de ma promo à l’IUT. Ma famille et mes amis n'ont pas cessé de croire en moi, et c’est cette force que te donne la dyslexie qui me permet de surmonter chaque étape de ma vie, haute comme basse. 

Quelle est votre situation actuelle ? 

Aujourd’hui, je suis étudiante-entrepreneur et je suis toujours dyslexique. Je continue encore de faire des dictées, à lire à voix haute pour m'entraîner et je continue à être la première à lever la main même en amphi.

Cette année j’ai donc décidé de lancer “ Les Voix de Demain”, qui propose des formations personnalisées sur le thème de l’éloquence et de la confiance en soi. Basées sur des cours de théâtre, ces formations permettent aux personnes dys, mais aussi à tout individu, de connaître sa capacité oratoire et de l'utiliser dans sa vie professionnelle comme personnelle. Que ce soit pour gérer son stress, ses oraux en cours ou un discours de mariage, ces formations sont individualisées en fonction de chacun.  

Vous sentez-vous atypique ? 

Il est vrai que les gens me font sentir que je suis quelqu’un d’atypique ; je suis toujours de bonne humeur, même le matin très tôt, je mets toujours de la couleur, parle fort et ne crains jamais de dire ce que je pense. Mais je me sens plutôt comme étant moi-même, je me comprends, je sais qui je suis et je respecte les valeurs que l'on m'a inculquées. La dyslexie m’a permis d’acquérir une maturité très jeune et de me sentir atypique. Aujourd’hui, je suis contente de dire que je ne vois pas la dyslexie comme une faiblesse, mais surtout comme une force qui m’aide dans ma vie, comme une amie à vos côtés. Quelquefois, ça ne va pas.. on va s’embrouiller, car elle va me contraindre à une vision que je ne veux pas, ou elle va te mettre des bâtons dans les roues pour exécuter un travail !!! Mais malgré ses quelques défauts, elle sera toujours là pour me montrer une autre vision de la vie que je suis la seule à avoir. Grâce à elle, je suis unique !

Quels obstacles rencontrez vous au quotidien ?

A l’aube de mes 20 ans, j’ai toujours du mal avec l'écriture, d’autant qu’ en études supérieures les cours s'écrivent sur ordinateur. Malgré énormément de travail sur la lecture à voix haute, quelques fois cela arrive que je ne puisse plus prononcer un mot et que je n’arrive même plus à lire (surcharge Cognitive). Cela arrive que très rarement, mais ce n’est jamais très agréable. Pour finir, je suis toujours incapable de visualiser un mot dans ma tête et la plus grande épreuve pour moi est d’épeler un mot. Lors de mon premier Job d'étudiant au Printemps, j'ai dû m'adapter au monde du travail, par exemple pour l'enregistrement des noms et prénoms des clients qui n'était pas une tâche aisée pour moi :-)

Quels conseils voudriez-vous donner aux jeunes adultes Dys ?

Je pense que le meilleur conseil que je pourrais donner est d’avoir confiance en soi et de ne pas se dire qu'être dys est une faiblesse. Bien au contraire, il faut toujours essayer de voir toutes les choses positives que cela peut vous apporter.

Être dyslexique permet d’acquérir une confiance en soi, en comprenant que chaque petit succès est une grande victoire. Avec la dyslexie on intègre très jeune que chaque jour est un combat à mener avec les autres et aussi avec soi-même. Le dépassement de soi fait donc partie de la vie de tout individu ayant une différence. Ainsi, vous devez croire en vous et en vos capacités dès votre plus jeune âge, afin de démontrer aux autres que vous êtes capable de réussir. Croire en soi est la première marche du succès et encore plus lorsque l’on est dys.

Être dys, nous amène aussi à ne jamais renoncer. Puisque confronté très jeune à des difficultés d’apprentissage, l’enfant comprend qu’il ne devra pas baisser les bras, sous peine d’accumuler un retard trop important. Pour accéder à un bon niveau, il ne faut jamais cesser de s'entraîner. Ce qui nous apprend à nous surpasser et aussi à ne jamais être défaitiste puisque le véritable échec est de renoncer. 

Cette différence oblige aussi, à développer très tôt des capacités relationnelles afin d'amener les autres à voir en nous notre potentiel et non nos difficultés.

Avant de conclure, je voudrais m'adresser à toutes les personnes Dys: votre dyslexie peut-être un cadeau . Lorsque vous ne comprenez pas quelque chose, soyez curieux et osez  poser des questions. Personne ne pourra mettre des barrières sur le chemin que vous voulez emprunter, hormis vous. Alors ayez confiance en vous !!! puisque c’est par là que commence la réussite. 

Le monde est fait de différences, et c’est cela qui enrichit l’humanité. Il ne faut jamais exclure quelqu’un lorsqu'il est différent, au contraire, il faut y voir une opportunité  d’apprendre et de découvrir de nouvelles choses. Nous pouvons tous nous apporter un enrichissement mutuel. De célèbres personnages étaient dyslexiques comme : Léonard de Vinci,Walt Disney ou encore Churchill. Toutes ces personnes se sont battues et ont fait de leur différence une force. Alors j’encourage tous ceux atteints de dyslexie ou ayant une autre différence, à se battre et à prouver que la différence est une force qui fait grandir ceux qui la transcendent.